À Charles Morice
I | 2 4 |
De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l'Impair Plus vague et plus soluble dans l'air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. | |
II | 6 8 |
Il faut aussi que tu n'ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise : Rien de plus cher que la chanson grise Où l'Indécis au Précis se joint. | |
III | 10 12 |
C'est des beaux yeux derrière des voiles, C'est le grand jour tremblant de midi, C'est, par un ciel d'automne attiédi, Le bleu fouillis des claires étoiles ! | |
III | 14 16 |
Car nous voulons la Nuance encor, Pas la Couleur, rien que la nuance ! Oh ! la nuance seul fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor ! | |
III | 18 20 |
Fuis du plus loin la Pointe assassine, L'Esprit cruel et le rire impur, Qui font pleurer les yeux de l'Azur, Et tout cet ail de basse cuisine ! | |
III | 22 24 |
Prends l'éloquence et tords-lui son cou ! Tu feras bien, en train d'énergie, De rendre un peu la Rime assagie. Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ? | |
III | 26 28 |
O qui dira les torts de la Rime ? Quel enfant sourd ou quel nègre fou Nous a forgé ce bijou d'un sou Qui sonne creux et faux sous la lime ? | |
III | 30 32 |
De la musique encore et toujours ! Que ton vers soit la chose envolée Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée Vers d'autres cieux à d'autres amours. | |
III | 34 36 |
Que ton vers soit la bonne aventure Éparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym... Et tout le reste est littérature. | |
(1re édition. - Paris : Vanier, 1884;
Gallica)
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