Stéphane Mallarmé

APPARITION





1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16

La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
- C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au cœur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'œil rivé sur le pavé vieilli,
Quand, avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.

(Vers et prose : morceaux choisis. - Paris : Perrin, 1893;  Gallica)
Stéphane Mallarmé - mallarme.de
Tübinger Lektürekurs













«Tout le mystère est là : établir les identités secrètes par un deux à deux qui ronge et use les objets, au nom d'une centrale pureté.»
(À Francis Vielé-Griffin, 7 août 1891. - In : Œuvres complètes ; hrsg. von Bertrand Marchal ; Bd. I - [Paris] : Gallimard, 2003 ; S. 806)