I | 2 4 | Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne, Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ; Je promène au hasard mes regards sur la plaine, Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds. | |
II | 6 8 | Ici, gronde le fleuve aux vagues écumantes, Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ; Là, le lac immobile étend ses eaux dormantes Où l'étoile du soir se lève dans l'azur. | |
III | 10 12 |
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres, Le crépuscule encor jette un dernier rayon ; Et le char vaporeux de la reine des ombres Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon. | |
IV | 14 16 |
Cependant, s'élançant de la flèche gothique, Un son religieux se répand dans les airs, Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts. | |
V | 18 20 |
Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente N'éprouve devant eux ni charme ni transports, Je contemple la terre, ainsi qu'une ombre errante : Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts. | |
VI | 22 24 |
De colline en colline en vain portant ma vue, Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant, Je parcours tous les points de l'immense étendue, Et je dis : Nulle part le bonheur ne m'attend. | |
VII | 26 28 |
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières ? Vains objets dont pour moi le charme est envolé ; Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères, Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. | |
VIII | 30 32 |
Que le tour du soleil ou commence ou s'achève, D'un œil indifférent je le suis dans son cours ; En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève, Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours. | |
IX | 34 36 |
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière, Mes yeux verraient partout le vide et les déserts ; Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire, Je ne demande rien à l'immense univers. | |
X | 38 40 |
Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère, Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux, Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre, Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux ? | |
XI | 42 44 |
Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire, Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour, Et ce bien idéal que toute âme désire Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour ! | |
XII | 46 48 |
Que ne puis-je, porté sur le char de l'aurore, Vague objet de mes vœux, m'élancer jusqu'à toi; Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ? Il n'est rien de commun entre la terre et moi. | |
XIII | 50 52 |
Quand la feuille des bois tombe dans la prairie, Le vent du soir se lève et l'arrache aux vallons ; Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie : Emportez-moi comme elle, orageux aquilons ! | |