I | 2 4 |
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme, O Beauté ? ton regard, infernal et divin, Verse confusément le bienfait et le crime, Et l'on peut pour cela te comparer au vin. | |
II | 6 8 |
Tu contiens dans ton œil le couchant et l'aurore; Tu répands des parfums comme un soir orageux; Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore Qui font le héros lâche et l'enfant courageux. | |
III | 9 10 12 |
Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ? Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien; Tu sèmes au hasard la joie et les désastres, Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien. | |
IV | 14 16 |
Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques; De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant, Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques, Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement. | |
V | 18 20 |
L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle, Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau ! L'amoureux pantelant incliné sur sa belle A l'air d'un moribond caressant son tombeau. | |
VI | 22 24 |
Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe, O Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu ! Si ton œil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte D'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu ? | |
VII | 26 28 |
De Satan ou de Dieu, qu'importe ? Ange ou Sirène, Qu'importe, si tu rends, - fée aux yeux de velours, Rhythme [!], parfum, lueur, ô mon unique reine ! - L'univers moins hideux et les instants moins lourds ? | |
(2e éd. - Paris : Poulet-Malassis et de Broise, 1861;
Gallica)
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